1ère étape - 140 kms
Si sur la partie routière notre groupe franco-italien a roulé de manière soudée,
les italiens (Vittorio en KTM, Walter, James et Danilo en Elefant AC) se sont littéralement envolés
dès qu’on a attaqué les pistes, roulant à une allure digne d’un enduro, à croire que c’était quand même
et avant tout une course mais qu’à nous, on n'avait rien dit.
Ayant déjà avec Pascal et Mimi roulé avec nos camarades italiens on était un peu prévenus
du rythme rital mais ça surprend quand même.
On rejoint les furieux mais rapidement je me dis qu’on ne devrait pas – même si on est parti ensemble -
arriver avec eux à Cesana Torinese.
Mais comme par deux fois le sélecteur de la KTM se fait la malle ...
...on adopte finalement une moyenne qui fait que quelques groupes pourtant moins rapides
nous dépassent gentiment sans oublier de nous saluer et de s’enquérir si tout va bien.
Moyenne qu’on essaie à chaque nouveau départ de remonter avec des vitesses assez élevées
dans des chemins inconnus, autant dire que je ne regarde que très peu le gps,
je vérifie de temps en temps que Mimi et Pascal suivent.
A l’occasion d’un saut au dessus d’une ornière un peu profonde qui traverse la piste
ma fourche s’enfonce jusqu’à venir en butée et la bavette qui prolonge le garde-boue avant
vient se coincer sur la pièce en métal qui protège la culasse du cylindre avant et le guidon reste bloqué de travers !
Immédiatement la moto fait une embardée vers le fossé et je suis éjecté alors que l’Elefant se retourne.
Accroché à un arbuste j’évite de peu la dégringolade au fond d’un fossé raide et assez profond.
Le temps que je m’extirpe, Pascal et Mimi s’arrêtent et on commence avec Pascal par remettre l’Elefant sur pattes,
on fait l’inventaire de tout ce qui est cassé ou tordu : support gps explosé, gps routier Mio disparu,
pare cylindre cassé, guidon tordu, de l’huile qui dégorge du filtre à air et de l’essence qui coule partout.
Le gps routier qui manque me pose quand même un problème et Pascal tel un prestidigitateur sort une corde de son sac,
l’enroule autour d’un arbre, descend dans le fossé et finit par retrouver dans les fourrés mon gps !
J’étais bluffé , par contre – entre temps Walter qui ne nous voyait plus avait fait demi-tour et assistait médusé à nos opérations de sauvetage –
ressortir Pascal de son fossé n’a pas été facile non plus.
James était tombé lui aussi et à 1km devant nous les italiens essayaient de le remettre sur pied.
Son genou avait morflé…
Quand on est reparti après que Walter m’ait aidé à tout remettre en ordre sur la moto
j’ai commencé par adopter un rythme un peu plus mesuré, Walter, lui, a filé pour rejoindre son groupe …
et on n’a plus revu les italiens jusqu’à la première pause à Vernante où on a appris que James était bloqué
dans la montagne en panne sèche et que la douleur au genou se faisant de plus en plus vive il allait abandonner !
Avec Pascal et Mireille notre Hard Alpi Tour commençait vraiment et notre avancement dépendait
maintenant de ma capacité à lire les traces bleues sur le gps et à l’allure moyenne qu’on pourrait respecter.
C’était cool mais ça n’a pas duré longtemps : Mimi est tombée une première fois (et Pascal a relevé son deuxième Bifaro du jour…),
puis une seconde fois dans un virage en dévers sableux et terreux (et Pascal a relevé son troisième Bif du jour…)
mais qui allait la marquer sérieusement :
« j’ai entendu craquer le genou ! » nous avouait-elle mais elle est remontée sur la moto et
on a continué à belle allure sur la bonne trace jusqu’à San Bernardo di Conio.
Entre temps d’autres groupes nous avaient dépassés et à la pause qu’on s’est accordés
à San Bernardo di Conio un seul groupe est encore passé et nous étions donc derniers.
Mais ce n’était pas le plus grave : Mimi sentait que le HAT était fini pour elle et que ses dernières
ressources elle devait les employer à rejoindre par la route un hôpital.
Ou Nicolas qui la conduirait en voiture dans une clinique italienne ou française.
Comme Nicolas n’avait pas de carte de la région assez précise (je n’avais réalisé que 3 copies des cartes et on les avait toutes sur nous !)
on a finalement confié Mimi à un participant en BMW (qui déjà à ce point du parcours voulait rejoindre le lieu de pause par la route)
pour rejoindre Nicolas qui était parti avec la remorque dans sa direction.
On s’est séparé vers 19h30 le cœur un peu gros, parce que chez Mimi l’envie de continuer était encore là
mais avec les ligaments pétés et un genou qui enflait ça n’aurait pas été sérieux.
On se retrouvait donc – à un tiers de la première étape – bons derniers et à deux avec Pascal !
D’abord fallait pas se tromper et puis il s'agissait aussi de mettre un peu de gaz…
Effectivement on a rattrapé un groupe d’égarés mais avant le Colle Garezzo on s’est nous aussi perdu par deux fois
– le gps branché sur l’allume-cigare s’éteignait toutes les minutes et je roulais avec une main sur le guidon
et l’autre qui manipulait l’appareil pour le réinitialiser!
Une brume dense s’était installée sur le versant est avant même que ne tombe la nuit…
Les traces partaient en patte d’oie et parfois on faisait 500 mètres dans des conditions
d’adhérence difficiles avant de se rendre compte qu’on n’était pas sur la bonne trace.
Les vaches étaient particulièrement réticentes à se déplacer et on n’était pas toujours rassurés…
Les bourbiers se multipliaient et Pascal chaussé de pneus mixtes – parfaits pour les liaisons autoroutières – galérait sérieusement…
Et moi qui pensait qu’on allait voir que du caillou !
Arrivés au sommet du colle Garezzo on a découvert le soleil couchant sur l’ouest et le spectacle était magique :
on roulait seuls sur cette piste à flanc de montagne avec la brume qui couvrait la vallée et le soleil qui nous réchauffait.
Tellement beau qu’on s’est arrêté pour faire des photos : si déjà on était les derniers autant en profiter !
On connaissait cette piste pour l’avoir faite cet été lors de la « Via del Sale » et on roulait
à une allure « mezzo forte » qui nous faisait bien avancer malgré les errements du gps !
Sauf qu’à un moment les traces qui devaient être bleues, je les voyais roses,
« encore le gps qui débloque » pensais-je avant de me rendre compte qu’on avait pris une déviation
(« touristique » d’après Corrado l’organisateur) qui nous faisait descendre vers La Brigue au sud
au lieu de nous amener sur la « route du sel » au nord !
Arrivés au col de Tende après quelques kilomètres à (très) vive allure on a retrouvé
les (bonnes) traces bleues du gps sur la vieille piste qui monte au col de Tende et au Fort Central
et la descente vers Vernante
La première pause s’est faite à fond les manettes.
C’est arrivés à Vernante qu’on a appris par d’autres participants (c’est comme ça que les nouvelles circulent au Hard Alpi Tour)
que les italiens étaient restés bloqués dans la montagne, que Danilo avait crevé de l’avant mais avait pu réparer la chambre,
que James avait trop mal au genou, qu’en plus il se trouvait en panne sèche pour être parti pour 150 km sans avoir fait le plein avant
et que de toute façon son Elefant ne tournait pas bien à cause de l’altitude pensait-il…
Petit à petit le Hard Alpi Tour décimait les équipes et à voir quelques visages défaits (d’accord on ne s’était pas regardés)
on commençait à comprendre le « hard » du titre de l’épreuve.
Après un plat de pâtes Pascal est allé s’étendre pour récupérer un peu lui aussi.
Mimi et Nicolas ont débarqué à la surprise générale et moi je fixai mon gps avec du scotch américain pour éliminer ces fichues coupures de courant
qui ne me permettaient de voir la trace que durant quelques secondes avant de s’éteindre !
Walter et Vittorio repartaient avec une jerrycan dépanner James bloqué en pleine nuit dans la montagne et il nous ont confié Danilo pour finir le HAT avec lui
en faisant avec deux équipes au moins un groupe franco-italien qui aurait une chance d’arriver au bout.
Mais là, tous les trois à Vernante, à 23h00 on était loin d’avoir tout vu du Hard Alpi Tour…
GG

“Qu’est-ce-que la vie ? Un délire ? une illusion, une ombre, une fiction ; et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes sont des songes...”
Pedro Calderón de la Barca