A l'aube du quatrième jour...
8h30, je suis prêt à repartir...
Le ciel s'est bien couvert dans la nuit et c'est fort dommage...
Mais ce n'est pas ça qui va m'empêcher de me régaler!
J'explore les pistes de partout autour de mon bivouac, mais impossible de ressortir de ces collines avec mon gros engin chargé!
J'emprunte des pistes qui ne sont que des chemins d'exploitation au milieu de cette zone agricole, qui se terminent en culs-de-sac, qui nécessiteraient de ne pas rouler seul ou d'avoir un enduro léger pour poursuivre...
Mais j'évolue dans des coins superbes, ça compense!
Il faut tout de même que j'avance un peu dans mon périple, car les journées sont courtes et je finis donc par jeter l'éponge au bout d'une heure de jardinage, repasse par Falset pour reprendre l'autovia en direction d'Alcaniz.
J'aperçois de jolies falaises ocres qui longent un cours d'eau... curieux de voir ça de plus près, je quitte la nationale et vais rouler sur les pistes et galets, c'est très joli et me permet de me faire une pause à l'écart de la route...
Je repars vers Alcaniz, mais dans cette direction-là, il y a au loin de gros nuages noirs chargés de pluie qui ne me plaisent pas vraiment... je n'ai aucune envie de tester l’étanchéité de mes bagages, de plus il y a beaucoup de vent, il fait frais, et je n'ai généralement aucun plaisir à rouler dans ces conditions...
Je décide donc de bifurquer vers le sud à Gandesa, de retourner ainsi sur la côte où les nuages paraissent moins chargés de pluie et où les températures devraient être plus élevées...
Chemin faisant, ou plutôt, route superbe tournicotant dans les collines faisant, je vois un vieux panneau tout pourri mais indiquant une " Via Verda ", ou quelque chose du genre...
Aucune idée de ce que cela peut être, mais pourquoi ne pas aller y jeter un œil?
Si cela avait été une " Via Mierda " qui aurait été indiquée, je n'aurais pas eu cette curiosité...
Je vois, à l'entrée d'un site abandonné ressemblant à une ancienne colonie de vacances, un panneau délavé avec un dessin de 4x4 barré.
J'ai déjà vu ce pictogramme précédemment. Mais comme je suis en moto et que la bite au milieu du chemin ne m'empêche pas de passer avec ma bécane, j'y vais donc... ce n'est que plus tard dans la journée que j'ai compris que le pictogramme n'indique pas seulement une interdiction aux voitures dotées de 4 roues motrices, mais à tous les véhicules motorisés... si jamais on me reproche dans le futur de passer par une piste dont l'accès est mentionné comme étant interdit par ce pictogramme, mon excuse sera toute trouvée... salopiot que je suis!
Je découvre ensuite un étroit ruban de bitume qui parcourt la montagne sur la trace d'une ancienne voie de chemin de fer... un endroit fabuleux!
Certes, la circulation est interdite, mais j'adore y rouler, c'est génial!!
Et en janvier, avec l'absence de soleil, ce vent et ces températures, je n'y ai de toute façon même pas croisé mon ombre, il eut fallu qu'il y ait du soleil, et donc, je n'ai dérangé personne!
Qu'est-ce que c'était beau!
Une succession de viaducs et tunnels, parfois très longs, au milieu d'un décor de rêve!
Allez-y en vélo!
Ces trois dernières photos, je les ai récupérées sur le net...
A la sortie de ce site, je me prends du grésil, je trouve ça très moyen comme présage, alors je file dare-dare vers Tortosa, puis au pied du relief tout proche, en traversant des hectares et des hectares d'oliveraies, tout en luttant contre un vent de fou!
Je roule en contre-braquant et en ajustant en permanence mes trajectoires, c'est pénible!
En plus j'ai faim, je me ferais bien une pause pour grignoter...
Alors je prends une piste qui file droit à travers la colline et les oliviers pour tenter de m'installer à l'abri du vent et, si possible, avoir une vue dégagée sur la plaine, qui est effectivement loin d'être vide, et avoir ainsi aussi vue sur l'amer.
Je trouve un coin au point le plus haut où je puisse me rendre, superbe, mais ça souffle à plus de 100km/h, impossible d'y rester!!
Même y pisser est délicat!
La piste de grosses pierrasses se perd dans le maquis, je pars explorer à pied et préfère rebrousser chemin: le maquis recouvre la trace, cela fait un bail que personne ne doit plus passer par là, c'est un tapis épais de grosses pierres et de fortes pentes semblent se dessiner plus loin... si je me retrouve bloqué avant d'arriver au bout, je vais avoir du mal à remonter.
Je fais sagement mais difficilement demi-tour sur cette piste étroite, manœuvrant lentement dans cette pierrasse avec le vent qui tente de me mettre au sol. Je traverse ensuite un bled glauque, à la sortie duquel je vois une piste qui descend vers une petite gorge... alors moi aussi j'y descends, moi qui soutiens gorges lorsque je ne sais plus à quel saint me vouer pour trouver un endroit doux et chaleureux et que cela t'étonne...
Et comme par magie, je peux m'y faire la pause casse-croûte à l'orée d'une onde pure, à l'abri de la bise et sous la douce caresse du soleil revenu pour ce moment et rien que pour moi! Il tardait à darder ses rayons...
Point de beau vin pour accompagner fromage et charcutaille, mais quelques bovins que ma présence intrigue, et comme le disait Titi:
- " Mais si, mais si! J'en ai vu un ruminer!! "
L'éclaircie est de courte durée, les nuages bas et menaçants défilent à toute vitesse... je poursuis ma route, et comme pour Barcelona, je souhaite éviter Valencia...
Alors pourquoi mon GPS m'invite-t-il à sortir de l'autovia, mais surtout pourquoi, comme un con, suis-je ses conseils!!!
En roulant concentré à allure soutenue dans le vent et le flot des véhicules, j'ai un moment d'hésitation face aux panneaux indicateurs dont les noms ne m'évoquent rien du tout, incapable de réfléchir suffisamment dans le peu de temps que j'ai pour prendre une décision dans ces conditions, je fais confiance au GPS, car jusque là, il m'avait plutôt bien aidé à faire les bons choix... je me jette donc dans la bretelle de sortie...
Oh putain de nom de Dieu de bordel de merde! Quelle erreur!
Misère... moi qui voulait éviter tout ça, je m'y retrouve en pleine heure de pointe!
Alors, j'en profite pour faire le plein, puis je prends mon mal en patience, ce n'est qu'un mauvais moment à passer... car je me frappe ensuite l'intégralité du périphérique de Valencia...
Pour continuer dans le glauque, j'enchaîne avec la route qui longe les plages au sud de la ville. Une succession de Grande-Mottes, vides en hiver, avec de nombreux immeubles inachevés, abandonnés, certains murés... berk!
De l'autre côté de la route, un étang pendant un moment, puis des serres à perte de vue sur le reste du parcours...
De plus, la route est limitée en vitesse, avec des feux qui passent au rouge dès que tu dépasses les 50km/h...
Je me fais chier, il n'y a pas à dire...
Il y aurait eu le soleil et moins de vent, je serais volontiers allé voir les plages, mais c'est toujours très très couvert, et, le jour touchant à sa fin, je me dois de penser à rechercher un lieu de bivouac, ça va commencer à urger...
Vu ce que je traverse et la météo, en y ajoutant la fatigue qui pointe, je ne suis pas très optimiste et doute de trouver facilement chaussure à mon pied, ou plutôt, emplacement à ma tente... et j'espère ne pas avoir à subir la pluie!
Bon... je suis mon instinct: je suis habituellement assez bon en trouvage de lieux sympas... je quitte après Tavernes cette route très fréquentée, encombrée de 38 tonnes que je dépasse allègrement, pour un camino qui s'avère cheminer au milieu des mandariniers, se perdre dans le relief aperçu de loin et que je souhaite explorer.
Bon feeling, puisque je me retrouve rapidement sur une belle piste et dans des lieux sauvages!
J'explore les environs, retourne vers un endroit abrité du vent, sous le couvert des pins, tant pis pour les panoramas aperçus plus loin, et installe donc mon campement avant l'arrivée de la nuit.
Ouf! Parfait!
J'avais vu en arrivant dans le coin que je n'avais pas beaucoup de réseau, mais ce n'est qu'une fois complètement installé que je me rends compte qu'en fait je n'en ai pas du tout où je me suis posé!
Par trois fois, je pars à 500 mètres de mon campement pour tenter de donner des nouvelles et ainsi rassurer famille et amis qui me suivent sur Facebook, congelé dans le vent à essayer d'accrocher un bout de réseau. Par miracle, j'y parviens enfin et retourne vite m'enfermer dans ma tente pour manger et me réchauffer.
Ce vent qui souffle en violentes rafales fait un sacré raffut dans la forêt, les arbres grincent et craquent, mais heureusement j'ai bien choisi mon coin et n'en souffre pas... ça secoue un peu ma toile par moment, mais rien de terrible.
Et puis ce vent semble enfin dégager le ciel, la Lune apparaît derrière le relief...
Coupé du monde, je m'emmerde un peu tout de même, et seul, je doute, rumine des pensées sombres...
Mais qu'est-ce que je fous là?!
Finalement, à quoi ça sert tout ça?!
Est-ce vraiment du plaisir de rouler sur des routes de merde, dans le vent, et d'avoir froid en bivouaquant, perdu dans un trou au milieu de rien, enfermé dans les 4 mètres carrés d'une tente de randonnée, sale et puant?!
Est-ce que je suis ici pour mon plaisir ou parce que je me décevrais beaucoup d'abandonner?
Est-ce qu'au bout du compte je ne ferais pas mieux de rentrer plutôt que d'insister?
Surtout que de manière très désinvolte, je pars en vacances alors que je devrais chercher du taf et que je n'ai plus un rond après avoir acheté cette bécane...
Et je ne parle même pas d'autres idées noires avec lesquelles je suis parti...
Oh putain!
Vivement demain matin!
